22 octobre 2006

Cas d'école

- Le bâtiment de la piscine olympique de Beijing en Construction -

Après plus de 5 ans passés à l'étranger, je viens de vivre ces jours-ci le cas le plus probant des difficultés que peuvent parfois poser les différences culturelles:


Je suis ce trimestre un cours de stratégie dans lequel il nous est demandé de travailler en groupe sur une présentation. Le professeur autrichien décide de la formation des équipes. La mienne est pour le moins internationale, puisqu'elle est formée d'un Américain (Jack), d'un Allemand (Patrick), d'une Chinoise (Sunq), d'un Chinois (Li) et d'un Français (moi).
Le projet est conséquent et nous devons nous réunir plusieurs fois. Hors Sunq, la Chinoise, ne s'est jamais présentée aux sessions de travail, et ce malgré plusieurs relances par téléphone et échanges de mail.
Arrive le jour du rendu, et le professeur annonce qu'il assignera la même note à tous les membres du groupe, sauf si on lui signale qu'un membre n'a pas contribué, auquel cas il sera pénalisé.
La question se pose donc pour l'équipe: Faut-il signaler le comportement de Sunq au professeur?
Dans ma tête, la question est vite évacuée et je me dis que cette fille s'en tire à bon compte. Mais Jack l'américain vient vers moi et me propose d'aller avec lui la dénoncer. Nos points de vues divergent. Patrick arrive, il est catégorique: il ne veut pas dénoncer; mais Li, sans opinion propre mais motivé par Jack, serait prêt à aller parler au professeur. Vote démocratique 2 contre 2: statu quo.

Jack, avec qui je m'entends bien, prend très à cœur cette affaire et nous en rediscutons plusieurs fois par messagerie instantanée.


  • De mon côté, l'argumentaire est clair: Le fait de dénoncer va affecter cette fille mais n'avantager personne. Nous ne sommes pas là pour jouer les redresseurs de tort, d'autant que sur le papier personne n'est affecté par ce comportement. "La liberté des uns s'arrête...". Et selon moi, celui qui dénonce est encore pire que celui qui a commis la faute.

  • Mais pour Jack il en va tout autrement: Un tel comportement n'est pas acceptable dans le monde du travail, et nous ferions un cadeau à cette fille en la punissant pendant ses études plutôt qu'en la laissant ignorante des bonnes manières en entreprise. Je trouve ce premier argument un peu hypocrite et suspecte même chez lui un peu de sadisme. Mais la suite de son argumentaire ne me laisse pas indifférent. "Je crois que le sentiment de culpabilité du dénonciateur compense pratiquement tous les comportements, tant qu'un individu particulier n'est pas affecté. C'est précisément à cause de ca qu'il y a tant de corruption dans les entreprises". Jack, ancien de McKinsey et de la Banque Mondiale, sait de quoi il parle en matière de corruption...

- Le parc scientifique de l'université de Tsinghua -


On le voit, il n'y a pas face à cette situation de réponse absolue. Il n'y a pas de 'bonne' ou de 'mauvaise' réaction, l'une ou l'autre peut se justifier. La décision de chacun est finalement déterminée par l'ensemble des valeurs qu'il possède, et qui attribue à chaque argument une importance plus ou moins grande.
La différence culturelle influe largement sur la hiérarchie des valeurs, et finit dans notre cas par causer notre divergence de point de vue.
J'imagine mieux maintenant les difficultés qui doivent parfois se poser lors des prises de décisions importantes à l'ONU...


Je l'avoue la lecture de ce post est bien longue et je n'ai pas d'illustration convenable. Tant pis je me lance quand même et en guise de récréation je mets des photos d'architecture qui me plaisent mais qui n'ont rien à voir :-)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Le cas d'école est un bien joli cas. les arguments développés par Jack sont qq peu convaincants...
peut être serait il judicieux de demander au professeur(en présence de la "collègue chinoise") pourquoi il a pris cette option ?
Enfin, faut il retenir ceux qui seraient enclins à (ré)agir ?

Anonyme a dit…

hou la la, ca me rappelle autant mes cours d'économie (théorie du passager clandestin = free rider problem)que les travaux de groupe...

Wikipedia :
In economics, collective bargaining, and political science, free riders are actors who consume more than their fair share of a resource, or shoulder less than a fair share of the costs of its production. The free rider problem is the question of how to prevent free riding from taking place, or at least limit its negative effects.