31 octobre 2006

Mousse, strasse et paillettes

Voitures noires jantes alu m'as-tu-vu, vitres teintées de rigueur, cartes de visites à tout bout de champ, accumulation des diplômes, étalage des titres pompeux: De nombreux chinois se croient obligés de faire de la mousse pour se donner un statut social et se sentir très important. Bien sur, les occidentaux ne sont pas dupes et ont presque pitié devant ces grands airs qui frôlent le ridicule, mais il semble que les chinois les plus gonflés leurrent leurs congénères naïfs avec ces rideaux de fumées et ces ballons de baudruche.

Téléphones multicolores, sonneries personnalisées, objets divers décorés, colorés, bariolés, surchargés, brillants, lumineux, clignotants, fluorescents, phosphorescents. Taille des logos doublée voire décuplée sur les habits de marque, montres Rolex en plastique, fausses lunettes Armani. Qu'importe le mauvais goût et les marques contrefaites. Qu'importe si tout demain se casse tant qu'aujourd'hui tout marche. On étale son strasse, on astique ses paillettes, on se bat pour paraître. Qui a dit que le superficiel était un mal?


J'ai du mal à évaluer dans quelle mesure ces comportements sont dus à l'ouverture récente de la Chine à l'économie de marché, et donc à la fameuse hypersensibilité aux discours publicitaires dont je parlais dans le dernier post. Ces traits de caractère émaneraient-t-ils de la culture chinoise ancienne? Ou bien sont-ils un exutoire à la frustration des années misérables du passé communiste? Ce qui est sur, c’est qu’aujourd’hui les consommateurs chinois jouent sans complexe le jeu de la société de consommation. N’en déplaise à Mao.

30 octobre 2006

Rationnel et irrationnel

Hommes d'affaire, chauffeurs de taxi, épiciers: Tout le monde à Pékin a un téléphone portable. Ici aussi le mobile est un gain de temps et d'efficacité rationnel.

Les chinois attribuent au chiffre 8 des vertues porte-bonheur, probablement parce que '8' et 'richesse' en Cantonais se prononcent de la même façon. Ainsi, chacun peut acheter son numéro de téléphone à un prix proportionnel au nombre de '8' qu'il contient. Et on est prêt à payer cher pour devenir riche. Superstition irrationnelle.

Toutes les marques de téléphone déploient des trésors d'imagination pour donner à leurs clients l'illusion qu'ils sont quelqu'un parce qu'ils achètent leurs produits. Identification de l'être à l'avoir. Stratégie rationnelle des entreprises: Jouer dans l'émotionnel, dans l'irrationnel humain.
Les chinois ont découvert tardivement les vapeurs grisantes et sulfureuses de la société de consommation. Leur propension à accepter sans recul l'argumentaire des publicités s'apparente à la naïveté des réclames françaises des années 50. Ici les professionnels de la communication venus d'occident ont des décennies d'avance sur leur public. Les chinois manquent de discernement et sont en conséquent particulièrement exposés aux illusions et aux désillusions du consumérisme.

26 octobre 2006

Je vous ai compris!



C'était hier à 19h à l'hôtel Peninsula, toute la communauté française avait répondu présent à l'appel du buffet présidentiel.


Le Président de la République nous est apparu en pleine forme pour tenir un courageux discours sur les bienfaits de la coopération franco-chinoise, les multiples avancées dans de multiples domaines, et l'attention particulière qu'il porte aux Français de l'étranger.
Chirac nous a révèlé avec enthousiasme la mesure phare de son voyage en Chine: La relocalisation du lycée français de Pékin dans de nouveaux locaux moins insalubres. Il l'avait fait savoir, il ne s'agissait pas "d'un voyage de contrat", n'en déplaise à la ribambelle de PDG du CAC40 qui accompagnait la délégation présidentielle.



Remerciements, applaudissements, Marseillaise et bien sur bain de foule.

Au milieu de la cohue, une amie m'annonce discrètement l'arrivée de Jean Louis Borloo. Une tête connue, suivant la foule agglutinée autour de Chirac, se retrouve effectivement devant moi. Le ministre me tend machinalement la main, et j'esquisse un prudent 'Bonjour Monsieur': Il s'agit en fait de Thierry Breton. L'incident diplômatique est évité de justesse.

Le dialogue avec le ministre de l'économie tourne court. Conscient des priorités, je me dirige vers le buffet.

22 octobre 2006

Cas d'école

- Le bâtiment de la piscine olympique de Beijing en Construction -

Après plus de 5 ans passés à l'étranger, je viens de vivre ces jours-ci le cas le plus probant des difficultés que peuvent parfois poser les différences culturelles:


Je suis ce trimestre un cours de stratégie dans lequel il nous est demandé de travailler en groupe sur une présentation. Le professeur autrichien décide de la formation des équipes. La mienne est pour le moins internationale, puisqu'elle est formée d'un Américain (Jack), d'un Allemand (Patrick), d'une Chinoise (Sunq), d'un Chinois (Li) et d'un Français (moi).
Le projet est conséquent et nous devons nous réunir plusieurs fois. Hors Sunq, la Chinoise, ne s'est jamais présentée aux sessions de travail, et ce malgré plusieurs relances par téléphone et échanges de mail.
Arrive le jour du rendu, et le professeur annonce qu'il assignera la même note à tous les membres du groupe, sauf si on lui signale qu'un membre n'a pas contribué, auquel cas il sera pénalisé.
La question se pose donc pour l'équipe: Faut-il signaler le comportement de Sunq au professeur?
Dans ma tête, la question est vite évacuée et je me dis que cette fille s'en tire à bon compte. Mais Jack l'américain vient vers moi et me propose d'aller avec lui la dénoncer. Nos points de vues divergent. Patrick arrive, il est catégorique: il ne veut pas dénoncer; mais Li, sans opinion propre mais motivé par Jack, serait prêt à aller parler au professeur. Vote démocratique 2 contre 2: statu quo.

Jack, avec qui je m'entends bien, prend très à cœur cette affaire et nous en rediscutons plusieurs fois par messagerie instantanée.


  • De mon côté, l'argumentaire est clair: Le fait de dénoncer va affecter cette fille mais n'avantager personne. Nous ne sommes pas là pour jouer les redresseurs de tort, d'autant que sur le papier personne n'est affecté par ce comportement. "La liberté des uns s'arrête...". Et selon moi, celui qui dénonce est encore pire que celui qui a commis la faute.

  • Mais pour Jack il en va tout autrement: Un tel comportement n'est pas acceptable dans le monde du travail, et nous ferions un cadeau à cette fille en la punissant pendant ses études plutôt qu'en la laissant ignorante des bonnes manières en entreprise. Je trouve ce premier argument un peu hypocrite et suspecte même chez lui un peu de sadisme. Mais la suite de son argumentaire ne me laisse pas indifférent. "Je crois que le sentiment de culpabilité du dénonciateur compense pratiquement tous les comportements, tant qu'un individu particulier n'est pas affecté. C'est précisément à cause de ca qu'il y a tant de corruption dans les entreprises". Jack, ancien de McKinsey et de la Banque Mondiale, sait de quoi il parle en matière de corruption...

- Le parc scientifique de l'université de Tsinghua -


On le voit, il n'y a pas face à cette situation de réponse absolue. Il n'y a pas de 'bonne' ou de 'mauvaise' réaction, l'une ou l'autre peut se justifier. La décision de chacun est finalement déterminée par l'ensemble des valeurs qu'il possède, et qui attribue à chaque argument une importance plus ou moins grande.
La différence culturelle influe largement sur la hiérarchie des valeurs, et finit dans notre cas par causer notre divergence de point de vue.
J'imagine mieux maintenant les difficultés qui doivent parfois se poser lors des prises de décisions importantes à l'ONU...


Je l'avoue la lecture de ce post est bien longue et je n'ai pas d'illustration convenable. Tant pis je me lance quand même et en guise de récréation je mets des photos d'architecture qui me plaisent mais qui n'ont rien à voir :-)

19 octobre 2006

Comme vivaient nos ancêtres

Notre arrivée à l'improviste dans cette yourte du bout du monde ne semble pas créer d'agitation particulière chez nos hôtes. Cet accueil simple, sans excitation ni fanfare me laisse quelque peu perplexe: Ces gens-là ne doivent pourtant pas recevoir souvent des occidentaux.
J'avais imaginé épater la galerie avec mon appareil réflexe numérique. Honteux réflexe colonial. L'assistance y est aussi indifférente que j'y suis attaché, et c'est bien fait pour moi: Ce détachement manifeste est un pied de nez à l'opulence matérielle qui me sert d'apparat.

L'analyse pertinente du Lonely Planet me permet de mieux comprendre les réactions de la famille qui nous accueille:
"Les grands espaces ont quelque peu atténué la curiosité des Mongols pour l'étranger, et le désert a fait de l'hospitalité une question de survie plus qu'une habitude sociale. L'absence de contraintes spatio-temporelles et la relation intime à la terre et à ses ressources ont profondément marqué leur caractère. Cet environnement a façonné un peuple humble, adaptable, sans protocole, et étrangement stoïque"



Comme la plupart des nomades du pays, cette famille vit d'une agriculture de subsistance et de l'élevage des moutons, chèvres et chevaux: Les jeunes têtes du troupeau sont utilisées pour leur lait et pour les déplacements, les plus agées fournissent la viande, les peaux de bêtes servent d'habits et de toile pour la yourte, et même la crotte séchée alimente le poêle de la yourte.
Il n'y a pas ici l'once d'un progrès technique issu de la révolution industrielle.

Malgré ce dénuement total, les nomades subviennent à leurs besoins en toute indépendance. Cet exemple de non-développement durable nous laisse imaginer la manière dont ont vécu nos ancêtres pendant des millénaires.

Déconnectés du monde et éloignés de tout. Je dois vous l'avouer je n'ai pu m'empêcher de me poser cette question cynique: A quoi servent ces gens?

Une phrase me revient alors:
"La nature se montre indifférente à notre égard ; nous sommes parfaitement accessoires dans le cours de l’histoire humaine ; mais aux yeux d’un être humain qui nous aime, nous revêtons une importance considérable"

14 octobre 2006

Rallye du bout du monde

Nous partons d'Ulan Bator dans une camionnette 4x4 trentenaire aux charmes désuets du design utilitariste soviétique. Cette vieille dame de la route est aussi millionnaire en kilomètres engloutis sur les pistes caillouteuses qui sillonnent la Mongolie. Jagar notre chauffeur nous emmène une semaine au centre du pays vivre avec les nomades mongols.



Visiter le pays dont la densité de population est la plus faible au monde (1 habitant/km² sans compter le millions de Mongols vivant à UB, seule véritable ville du pays, qui regroupe à elle seule plus du tiers des habitants) en arrivant du pays le plus peuplé laissait présager quelques contrastes intéressants.


400km de spéciales à 80km/h de moyenne sur les pistes accidentées nous mènent au lac d'Ogiy Nuur au soleil couchant. A côté de notre Jagar, les pilotes du Dakar n'ont qu'à bien se tenir! Notre nuque elle, a du mal à tenir le choc.
Notre arrivée dans la Yourte d'une famille nomade ne semble pas surprendre, pourtant personne ici n'a pu être averti de notre venue: Nous sommes au bout du monde. (à suivre...)



12 octobre 2006

Au pays du ciel bleu

Le climat continental extrême, l'air sec des déserts, les vents froids de Sybérie, l'altitude élevée (Ulan Bator se trouve à 1300m d'altitude) et l'absence de pollution offrent à la Mongolie un ciel bleuté splendide plus de 260 jours par an.
Polariseur au bout de l'objectif, les photographes s'en donnent à coeur joie.

La Mongolie est appelée à juste titre le pays du ciel bleu

11 octobre 2006

Le Transmongolien

Fuyant l'afflux de touristes chinois lors d'une semaine de vacances nationales accordée par le PCC, j'ai filé au nord ouest pour découvrir la Mongolie. Le train qui permet de rallier Ulan Bataar depuis Beijing n'est autre que le Transmongolien, premier tronçon du fameux Transibérien. Cette ligne centenaire permet de rejoindre d'un trait Moscou depuis Pekin en 6 jours.

Au même titre que la Route de la Soie et la Transatlantique, le Transibérien fait partie de ces chemins mythiques du globe dont on rêve souvent mais qu'on emprunte rarement. Il me semble que ces routes fascinent parce qu'elles matérialisent la domestication de la planète par l'homme au cours des siècles. Pour le meilleur et pour le pire, elles ont permis des échanges de toutes natures entre des sociétés profondément différentes. Ces voies chargées d'Histoire, qui mènent toutes en Europe, ont probablement été un des vecteurs de la suprématie de l'occident sur le monde pendant plusieurs siècles.



A la frontière sino-mongole, les passagers vivent une opération ferroviaire unique en son genre: Un changement de boggies.

Les rails des chemins de fer chinois sont plus espacés que ceux des réseaux mongol et russe. Les exploitants de la ligne ont conçu un système de vérins qui permet de désolidariser les boggies des wagons, afin de les remplacer. L'opération est réalisée en deux heures sans que les passagers n'aient à descendre des voitures.

Certains s'autorisent à penser qu'un changement de train serait aussi pratique et plus rapide, mais ici pour rien au monde on oserait trahir le mythe de la liaison sans changement entre Pekin et Moscou. Un petit chef d'oeuvre d'ingénieurie au service de la fierté des peuples...