26 décembre 2006

Les figurants

Ils portent sur leur visage
Leur passé de labeur, leur présent de misère
Ils sont de tous les ages,
Je les croise partout, mais ne leurs parle guère

Ils attendent ou ils passent, ils bousculent ou ils crachent
Ils observent ou ils fument, dansent ou jouent de la musique
Ils se ressemblent tous, mais en chacun se cache
Des espoirs, des secrets, et une histoire unique

Inconnus rencontrés au détour d'un village
Je voudrais aujourd'hui vous rendre cet hommage
Acteurs compositeurs de la grande scène chinoise
Vous êtes les figurants de mon présent voyage









"Si tu n'as pas ceux que tu aimes, aime ceux que tu as"

24 décembre 2006

Nature en Fête



Contraste saisissant lors de ce tour de Chine. Difficile de croire que Chine des tours de verre et Chine de la terre coexistent au sein de ce même pays. Les villes de l’est vivent déjà leur futur. Dans les zones rurales le temps semble s’être arrêté il y a plusieurs siècles.






J’aime me promener au milieu des marchés dans ces villages perchés dans le nord du Yunnan. Ces grands lieux animés sont le centre de vie de toutes les sociétés rurales. Ici ce sont les femmes des minorités ethniques Bai et Naxi qui viennent y échanger le produit des récoltes, de l’élevage, de la pêche, du travail au fourneau. Dans un festival de couleurs éclatantes, d’odeurs enivrantes, de bruits charmants, chacun fait son marché. J’aime cette expression, « faire son marché ». Ca veut dire je pèse, touche, observe, teste, sens, goute, je pique un grain de raisin, je compte, négocie, compare, prévois les prochains repas, discute, choisis, emballe, achète. Et bien sur les « Avec ceci ? Ce sera tout, merci ! »






Protégé du soleil par de grands arbres centenaires, cette petite marchande à la peau burinée écaille ses poissons encore vifs et vante leur fraicheur à qui veut bien l’entendre. Preuve vivante de l’efficacité de ses produits, un vieux charlatan récite ses boniments au détour d’une rue, proposant poudres de perlimpinpin et herbes médicinales qui guérissent de tout. Au beau milieu de la rue, le cordonnier en tablier installe sa machine à coudre manuelle dont la merveilleuse mécanique rouillée couine bruyamment à chaque tour de manivelle. Un peu plus loin le dentiste transforme chicots désordonnés en belles dents métalliques.

Avec leurs airs de Jean Pierre Coffe et d’Amélie Poulain, ces marchés de plaisirs simples et vrais offrent un bonheur atemporel de petite monnaie. Une société qui vit, une Nature en Fête. Joyeux Noël à tous !



22 décembre 2006

Les lumières de la ville







A Shanghai, 65% de l'électricité est produite à partir de charbon.

19 décembre 2006

Nuées et brouillards

Cette semaine, le niveau de pollution à Pékin a atteint son niveau maximal (niveau 5 'dangereux' sur une échelle de 5).

En Chine plus qu'ailleurs, les gens semblent fumer pour sentir qu'ils existent et que le temps avance, les machines ont l'air de crachoter d'épais nuages noirs pour prouvrer qu'elles fonctionnent, les vapeurs de cuisine envahissent les rues comme pour soustraire à la vue des passants les échoppes crasseuses, les immenses cheminées crachent leur poison bien haut en d’infinis trainées.

Toutes ces émanations se mélangent en un épais brouillard qui recouvre les villes, sombre relent d’activité humaine.

Notre mère la Terre s’encrasse et nous le savons bien. Au prochain coup de vent nous pourrons l’oublier.









16 décembre 2006

Prêt à penser



"Exporting books makes money" (Exporter des livres est très rentable) m'assure Lam, une fille rencontrée dans un train, sur le chemin de Hong Kong. Cette Chinoise fraichement diplômée n'a jamais exporté un bouquin de sa vie, mais à ces mots son visage s'illumine et son regard jubile. Elle y croit et elle se fait rêver. Cette recette de la richesse en quatre mots m'évoque deux points marquants de la culture chinoise.



Il y a bien sur cet attrait pour l'argent. L'argent à tout prix, devenir riche, acheter sa maison et montrer sa voiture, s'habiller chez Armani en exhibant son Chanel, posséder et faire envie aux autres. Le rêve, l'aboutissement. Depuis que Den Xiaoping a décrété qu'il était bon de s'enrichir et que le parti a progressivement autorisé l'enrichissement personnel, la Chine met tout en œuvre pour rattraper son retard et rêve de ressembler à l'Occident. David Li, professeur de macro-économie, appelle cela la 'do what you do attitude', l'attitude 'je fais ce que tu fais'. Je copie l'Occident.

'Do what you do attitude': la crème Nivea qui blanchit la peau…

L'immaturité de la société chinoise face à l'expertise sans équivalent de l'Occident pour savoir faire crever d'envie de ressembler à ses icones explique peut être ce comportement, mais il existe aussi des raisons endogènes au pays. Le fonctionnement même du parti communiste manifeste un encouragement à l'enrichissement du pays, par exemple en indexant les rétributions de chaque cadre sur la hausse du PIB observée dans la région dont il est responsable. On obtient les résultats de ce que l'on mesure...






Dans la phrase de Lam, je vois surtout cette façon récurrente de se référer à des principes érigés en vérités inébranlables sans les soumettre à la moindre critique. Pendant ses études de commerce, cette fille a appris consciencieusement la règle qu'elle m'expose, on imagine d'ailleurs assez bien la liste des activités rentables distribuée aux élèves et à apprendre par cœur. La société Chinoise raffole de ces principes-vérités. Sortis de leur contexte de départ, ils sont appliqués en toute situation : boire de l'eau froide quand on a chaud est mauvais pour la santé, traverser ce pont rallonge la vie de trois jours, les Parisiens sont très romantiques, lever le coude plus haut que la main lorsque l'on boit du thé garantit la fortune (de qui ?), les japonais sont méchants, le chiffre 4 porte malheur. La Chine baigne dans l'obscurantisme et s'englue dans ces croyances que personne ne conteste.

Absence de religion, de système de valeur cohérent, de philosophie éclairée, travail du parti pour annihiler les esprits critiques: De nombreux facteurs sont invoqués et s'associent pour expliquer pourquoi la vie des Chinois est envahie par ce mélange d'idées irrationnelles et de superstitions. J'en développerai deux ici.

Il y a d'abord le Taoïsme. Dans cette doctrine philosophique qui a profondément marqué l'histoire du pays, les principes sont énoncés et appris par cœur. 'Laozi a dit' mais ne laisse pas place à la réflexion et à l'interprétation. On ne cherche pas à extraire le sens profond du texte, on ne discute pas pour trouver l'abstraction qui se cache derrière ces mots. Remplaçant le bréviaire du Laozi par le petit livre rouge, Mao semblait d'ailleurs avoir bien compris les vertus de ce système pour endoctriner son peuple pendant la révolution culturelle.

Il y a ensuite le système d'écriture Chinois. 40'000 caractères à apprendre. 12 années de mémorisation, de répétition et de copie pour tous les écoliers de Chine du CP à la terminale. On comprend aisément que le temps investi à ingurgiter cet océan de signes ne l'est pas à étudier des textes, à comprendre des concepts ou à décortiquer des raisonnements. La tête remplie de caractères, les bacheliers chinois sont les champions de la copie mais les lanternes rouges de l'analyse. Au passage, on perçoit un début d'explication à l'origine du fléau de la copie de produits et du non-respect de la propriété intellectuelle dans le pays.




océan de caractères...

On lit souvent dans la presse que les entreprises chinoises manquent de manageurs efficaces. De ce que je comprends à ce jour, c'est bien cette habitude de recevoir une pensée toute faite qui affecte le bon sens, l'initiative et le pragmatisme des chinois.

10 décembre 2006

Le paradis est où je suis



Sac au dos, guide en main et appareil autour du cou, j'ai quitté le mois dernier la brume pékinoise pour découvrir le sud du pays. Durant ce voyage, je n'ai pas pris le temps de mettre à jour ce blog devenu moribond. La censure chinoise a gagné une bataille, mais elle n'a pas gagné la guerre ! Je vais tâcher de mettre fin à cette période d'inactivité en partageant mon expérience dans les semaines qui viennent.



Des semaines en vadrouille autour de la Chine, des jours entiers à attendre des trains, des heures heureuses perdues dans le dédalle des villes, des balades sans fin sur les places de marchés au milieu des villages, rencontres avec des amis à l'autre bout du monde, randonnées seul avec les éléments, dialogues abrégés par un chinois en peine.



Par ou commencer pour raconter un voyage? Une fois n'est pas coutume, je vais aujourd'hui parler du voyageur plutôt que du voyage, introspection préalable du photographe amateur solitaire que j'ai été ces derniers temps. Je ne sais pas si ces lignes ont vraiment leur place ici, elles auront au moins le mérite de mettre un terme au mutisme de ce blog.



14'000. C'est le nombre de photos que j'ai prises cette année. Ce chiffre m'effraie et me donne le vertige. J'essaie de me comprendre : Quelle est ma motivation pour faire tant de clichés?



Ai-je un fantasme inconscient de mettre mes voyages en boite pour pouvoir les revivre?
Quelques secondes d'exposition cumulées pour moissonner ces giga-octets d'images, avec en filigrane l'illusion d'emporter avec moi textures, goûts, sons et odeurs. Autant d'espoirs déçus de fixer pour la postérité impressions et humeurs éphémères, quantité d'expériences qui forment ces voyages qui forment ma jeunesse. Est ce donc une tentative de maîtriser "le temps qui disperse, disloque, distend " dont parle Maurice Zundel, de pouvoir revivre éternellement ces moments privilégiés? Ai-je le secret espoir de faire mentir Alain Reymond qui titrait son autobiographie " Chaque jour est un adieu "?



Il me semble que non. Plutôt que la grande cause de l'éternité - et pour autant que ma conscience s'accorde avec mon inconscient - c'est d'abord la recherche du beau qui explique ma boulimie pour la photographie. Trouver l'angle, la lumière, le piqué et 'l'instant décisif' de Cartier Bresson, qui mettront en valeur le sujet qui se présente à moi. Rendre un hommage au monde qui m'entoure en cherchant ce qu'il a de plus beau avec l'espoir de le rendre visible aux yeux de tous. Tenter d'honorer cette formule du bonheur que nous livre Voltaire: " le paradis est où je suis "




Je n'ai pas la prétention de réussir dans cette entreprise, mais j'ai la conviction que le simple fait de s'y essayer constitue déjà une belle tâche, et justifie à elle seule le temps et les efforts investis. L'important est le chemin…

11 novembre 2006

La revanche de San Li Tun




Il est un quartier que tout occidental installé à Pékin se doit de bien connaître s'il ne veut pas passer pour le dernier des ringards parmi ses congénères. Non, il ne s'agit ni de la Cité Interdite, ni de la place Tien An Men, ni même d'un hutong typique particulièrement bien conservé: Ca, c'est le Pékin des touristes, le concentré de Chine prêt à photographier, le Beijing portrait de Mao, rickshaws et rues crasseuses. Les expats branchés, eux, se rassemblent le samedi soir dans le quartier à la mode: San Li Tun.




San Li Tun la nuit, c'est un ilôt de fête occidentale en plein cœur de la capitale. Un mélange de Bastille, de Barcelone et de Berlin Est en plein cœur de Pékin. Les étrangers s'y retrouvent en famille et en terrain connu. Ceux qui vivent ici depuis trop longtemps viennent y mettre la Chine entre parenthèse le temps d'une soirée ; les fêtards rois de la nuit retrouvent leur souveraineté, tous les autres y viennent simplement s'amuser.



Pour se sentir un peu plus proche de la maison, on danse les uns sur les autres sur la musique commerciale qu'on déteste là bas mais qu'on adore ici, on commande en anglais des cocktails dont on connaît par cœur le nom et la composition, on va de bar en boite en hurlant dans son téléphone pour retrouver les siens, et on paye généralement les prix occidentaux. En bref, ce n'est pas de la philo mais une fois de temps en temps, ca fait du bien et ca défoule



Les businessmen ont flairé le gros coup. Depuis peu San Li Tun est devenu une marque déposée dotée de son logo, de ses valeurs et son propre style. A en croire les publicités, quand on dit San Li Tun il faudra désormais entendre Champagne en boite et carré VIP, Hollywood et Britney Spears, BMW et LVMH.






Les investisseurs ont d'ailleurs bâti ce qui doit certainement être le temple du nouveau San Li Tun : Une boite super branchée, le Fusion. Avalanche de néons en façade, escaliers de verre, éclairages clignotants et lasers stroboscopes, écran géant derrière les DJ lunettes noires, sponsoring au Champagne et cigares cubains. L'exubérance de Las Vegas en plein cœur de Pékin, le temple des superlatifs et de la jet set. Au beau milieu de la misère Chinoise.



Revanche de la simplicité, du bon goût et de la convivialité ? Depuis son ouverture, le Fusion est vide, pas un chat même le samedi soir!





05 novembre 2006

Censure ca rassure

Le mois d'octobre avait pourtant bien commencé: La chine avait décidé la levée partielle de la censure du site Wikipedia. Bien sur il y a toujours quelques filtres efficaces contre ces articles qui se penchent de trop prêt sur les questions embarrassantes pour le gouvernement, mais on ne pouvait que se réjouir de ce 'grand pas en avant' des libertés individuelles.

Malheureusement l'euphorie n'a été que de courte durée. Voici deux semaines que blogspot (l'hébergeur de ce site) subit ici à son tour la censure. Depuis, il me faut mettre à profit toute l'ingéniosité de l'ingénieur informaticien pour contourner les barrières virtuelles et mettre à jour ce blog.





A la joie de partager quelques images, récits, idées et questions s'ajoute désormais la satisfaction -très latine- de contourner la loi, de resquiller impunément. Vues d'ici est devenu mon pied de nez insignifiant mais hebdomadaire à cette administration chinoise anti-démocratique qui, parce qu'elle n'a pas fait son deuil de l'ère communiste, craint son propre passé. Incapable d'assumer les erreurs de son histoire, elle tente piteusement de garder la face devant son peuple et se rassure en censurant l'information.

31 octobre 2006

Mousse, strasse et paillettes

Voitures noires jantes alu m'as-tu-vu, vitres teintées de rigueur, cartes de visites à tout bout de champ, accumulation des diplômes, étalage des titres pompeux: De nombreux chinois se croient obligés de faire de la mousse pour se donner un statut social et se sentir très important. Bien sur, les occidentaux ne sont pas dupes et ont presque pitié devant ces grands airs qui frôlent le ridicule, mais il semble que les chinois les plus gonflés leurrent leurs congénères naïfs avec ces rideaux de fumées et ces ballons de baudruche.

Téléphones multicolores, sonneries personnalisées, objets divers décorés, colorés, bariolés, surchargés, brillants, lumineux, clignotants, fluorescents, phosphorescents. Taille des logos doublée voire décuplée sur les habits de marque, montres Rolex en plastique, fausses lunettes Armani. Qu'importe le mauvais goût et les marques contrefaites. Qu'importe si tout demain se casse tant qu'aujourd'hui tout marche. On étale son strasse, on astique ses paillettes, on se bat pour paraître. Qui a dit que le superficiel était un mal?


J'ai du mal à évaluer dans quelle mesure ces comportements sont dus à l'ouverture récente de la Chine à l'économie de marché, et donc à la fameuse hypersensibilité aux discours publicitaires dont je parlais dans le dernier post. Ces traits de caractère émaneraient-t-ils de la culture chinoise ancienne? Ou bien sont-ils un exutoire à la frustration des années misérables du passé communiste? Ce qui est sur, c’est qu’aujourd’hui les consommateurs chinois jouent sans complexe le jeu de la société de consommation. N’en déplaise à Mao.